OUNJOUGOU, MALI

“Peuplement humain et paléoenvironnement en Afrique de l’Ouest”

Les résultats de la campagne 2010/11
Lors de cette mission du 13 janvier au 17 mars 2011 (14ème année de recherches), trois axes de recherches ont été menés en parallèle : Premièrement, suite aux quatre sondages réalisés en 2010 sur le site de Sadia, situé dans la plaine du Séno au Mali, une fouille extensive de 130 m2 a été réalisée sur la butte principale, caractérisée par la présence de structures en briques d’argile crue liées à la dernière phase d’occupation du site. Nous avons également analysé sur place l’abondant matériel mis au jour. Deuxièmement, nous avons poursuivi les prospections et sondages dans la vallée voisine du Guringin et sur le bord du plateau la surplombant, dans le but de comprendre l’occupation chronologique et spatiale de cette région. Enfin, en collaboration avec l’Institut fondamental d’Afrique Noire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, nous avons mené une reconnaissance archéologique dans le Sénégal sud-oriental, dans les régions de Kédougou et de la moyenne vallée de la Falémé. Nous avons évalué le potentiel archéologique de cette zone pouvant permettre de compléter, à une latitude plus méridionale, le scénario du peuplement humain en lien avec l’évolution climato-environnementale élaboré précédemment à partir de nos recherches en Pays dogon. Dès 2012, nous concentrerons en effet nos recherches dans la vallée de la Falémé au Sénégal.

Ergebnisse der Kampagne 2009/10
La campagne 2009/2010 a essentiellement été consacrée au début des fouilles sur le tell pré-dogon de Sadia. Des sondages effectués sur quatre des cinq buttes composant le site nous ont permis de mettre en évidence une séquence stratigraphique de plus de cinq mètres de puissance, édifiée au cours de plusieurs grandes phases d’occupation. Si le cadre chrono-environnemental précis reste à établir, nous pouvons déjà proposer un premier scénario général pour l’histoire du site en quatre phases principales.

Sous le tell, des vestiges de la transition Néolithique-Âge du fer ont été découverts. Une sépulture d’enfant a également été fouillée dans les niveaux sableux situés à la base du tell. La première phase de construction du tell est ensuite visible grâce à l’apport de sédiments argileux grisâtres. Le contexte environnemental est plus humide qu’aujourd’hui, se caractérisant par des espèces d’arbres aujourd’hui disparues de la région (Parinari). Outre l’élevage des bovinés, des caprinés et des poulets, l’homme exploite également les ressources aquatiques, La chasse est aussi pratiquée. La culture du mil avoisine la culture des légumineuses. La cueillette de fruits et graines provenant de la végétation sauvage semble jouer un rôle non négligeable.

L’ensemble du mobilier archéologique apparaît comme très homogène tout au long de l’occupation du tell. Les objets en fer ou les déchets résultant de la métallurgie du fer indiquent la présence de ce métal dès le début de la phase II. La céramique se caractérise surtout par trois types de décors, dont les variations coïncidant avec des transitions stratigraphiques permettent de distinguer les phases II, III et IV. Les phases III et IV sont également caractérisées par la préparation et l’utilisation de colorants, ainsi que par divers types de perles en pierre évoquant des importations et un commerce à longue distance. Dès la phase IV, nous observons des constructions selon la technique des mottes de banco et des bâtiments de plan circulaire. La poterie, obtenue à l’aide du martelage sur forme concave, est alors fabriquée sur place, comme l’indique la présence de nombreux outils spécifiques à cette technique de montage. Enfin, une seconde sépulture d’enfant a été découverte dans les niveaux de la phase IV.

En l’état des connaissances, l’ensemble de la séquence est compris entre le 8ème et le 13ème siècle de notre ère, soit bien avant l’arrivée présumé des dogons. Parallèlement, les études archéologiques, ethnoarchéologiques, paléométallurgiques et environnementales menées dans la plaine du Séno contribuent à constituer un cadre interprétatif indispensable à la compréhension des découvertes faites à Sadia. L’approche actualiste des paysages, et l’étude de l’évolution récente de la relation Homme/Nature, permettront également de comprendre les grandes étapes des modifications paysagères régionales de la plaine du Séno.

Kontakt:
Prof. Eric Huysecom, Projektleiter
Dr. Anne Mayor, wissenschaftliche Mitarbeiterin
Silvain Ozainne, adjoint scientifique
Chrystel Jeanbourquin, assistante

Département d’Anthropologie de Université de Genève
Laboratoire Achéologie et Peuplement de l’Afrique (APA)
12, rue Gustave-Revilliod
1211 Genève 4

Les fouilles sur le tell de Sadia I au Mali, 2000 ans d’occupation en Pays dogon (photo MAESAO).

Les résultats de la campagne 2008/09
Lors de la campagne 2008/2009, les recherches sur le site de Songona 1 ont confirmé l’existence d’occupations remontant au Pléistocène supérieur, entre 55’000 et 35’000 ans avant le présent. Les travaux menés dans l’Abri-aux-Vaches ont quant à eux permis de découvrir deux rabots en grès, un type d’artefact bien connu entre 35’000 et 30’000 ans à Ounjougou.

Un sondage réalisé sur la butte d’habitat de Nin-Bèrè 3 (Béréli, plaine du Séno) a permis de mettre en évidence une occupation reflétant la transition entre le Néolithique et l’Âge du fer dans la région, qui intervient vers le milieu du 1er millénaire av. J.-C.

Par ailleurs, la découverte d’une importante série de buttes d’habitat près de Sadia, indique une occupation importante dans la vallée du Gurinjin. Une étude préliminaire de la céramique recueillie en surface, ainsi qu’une série de carottages laisse entrevoir le potentiel de ces buttes d’habitat, dont la fouille devrait permettre de retracer l’histoire pré-dogon et dogon sur 1’500 ans ou plus. L’installation d’un carroyage général et l’établissement d’un plan topographique du tell de Sadia ont été réalisés en vue des fouilles programmées pour 2010.

Concernant l’histoire du peuplement dogon, de nouveaux éléments ont également été apportés récemment par une nouvelle série d’études sur le site de Tyi, où de nombreuses informations issues des traditions orales peuvent être directement confrontées à des vestiges archéologiques variés. Les recherches réalisées ont déjà permis de reconstituer les origines et le développement du village de Tyi entre le début du 17ème et le milieu du 20ème siècle

Enfin, les nouvelles prospections visant à restituer le développement de la sidérurgie dans la plaine du Séno permettent déjà de reconstituer l’évolution de la production et de la circulation du fer entre les 17ème et 19ème siècles. Toutefois, les débuts de la métallurgie du fer dans la région restent à identifier, tant d’un point de vue technique que chronologique.

Les résultats de la campagne 2007/08
Pour la période antérieure au peuplement dogon, nous avons découvert dans un vallon perpendiculaire à la falaise de Bandiagara, plus précisément dans le secteur de Dourou, des ensembles de constructions circulaires accolées. La plupart de ces bâtiments montre des parois érigées par superposition de colombins d’argile digités, parfois encore recouvertes d’un crépi argileux, et dégraissées à l’aide de bale de petit mil ou de feuilles. Une petite ouverture hémisphérique est aménagée contre le plafond rocheux. Les constructions semblables découvertes près de Sanga-Pégué étaient jusqu’à présent interprétées comme des greniers du 2e-3e siècle avant J.-C., érigés par une population dite Toloy, puis récupérés en sépultures au 11e siècle après J.-C. par une population appelée Tellem, « ceux d’avant » en dogon. Notre étude montre qu’il s’agit en fait de bâtiments conçus dès le départ comme des sépultures, érigés entre les 5e et 7e siècles après J.-C. et utilisés jusqu’à la fin du 1er millénaire de notre ère. Le matériel archéologique découvert à proximité comprend notamment des coupes tripodes, de belle facture, et des petits bols d’une qualité exceptionnelle, ainsi que des perles d’importation du Moyen-Orient, indiquant par là l’existence d’une hiérarchisation sociale et de contacts à longue distance avant l’arrivée des Dogon. Ces travaux de Dourou-Boro ont été prolongés par une nouvelle prise d’échantillons pour datation dans les parois des tombes de la grotte de Sanga-Pégué, dans laquelle les équipes néerlandaises avaient travaillé entre 1964 et 1972, ceci afin de confirmer ou d’infirmer l’existence même des cultures Toloy et Tellem.

Pour la période historique, cette campagne a été consacrée à l’étude du vaste site abandonné de Tyi, connu comme le lieu d’origine des habitants de Dimbal. Une prospection a permis de cartographier ses éléments constitutifs (nombreux quartiers, lieux d’approvisionnement en eau, de réduction du fer, de forge, de cuisson des céramiques, place du marché, grotte d’intronisation des Hogon, tombes). La fouille d’une concession du quartier de Tyi-djo a permis de dresser le plan d’une maison en pierres de 3 pièces aménagée à même le sol rocheux. Le matériel archéologique, peu abondant à l’intérieur, se compose d’objets de broyage, de fragments de faune et de céramiques (dont des fusaïoles et des pipes), ainsi que de scories et de menus objets de fer et de bronze. Des prélèvements de charbons et de sédiments visent une datation et des analyses paléoenvironnementales. Les enquêtes de tradition orale situent l’occupation de ce quartier aux 16e-17e siècles, avant son abandon par les ancêtres des habitants de Lessogou, Dimbal et Guimini.

Enfin, l’équipe de recherche sur la métallurgie du fer s’était fixée trois objectifs pour la mission 2008. La fouille d’un bas fourneau appartenant au site de Tinntam a tout d’abord permis d’approfondir nos connaissances sur la tradition sidérurgique du nord du plateau de Bandiagara. Ensuite, à partir de la topographie, des sondages et des prélèvements de charbons de bois dans les différents amas de scories du site de Gumbessugo, sur la marge deltaïque du Pays dogon, nous nous proposons d’évaluer le volume de production «quasi-industriel » de la métallurgie de cette région et d’établir chronologiquement la durée et l’intensité de l’activité sidérurgique. Enfin, dans la région située au sud-ouest de la falaise, une prospection systématique nous permet aujourd’hui de présenter une carte archéologique plus complète des différents ateliers de réduction de ce territoire.

Outre ces volets de la recherche menés spécifiquement par l’équipe suisse, les collaborateurs français, maliens et allemands du projet ont progressé dans la compréhension des importantes variations paléoclimatiques et environnementales qui ont affecté l’Afrique au Pléistocène récent et à l’Holocène (125.000 – 1.000 avant J.-C.). Signalons également, tout particulièrement, les travaux des équipes des universités de Paris X, de Bordeaux et de Rouen, aidées par les étudiants des universités de Bamako et de Genève, qui ont effectué une découverte majeure pour la période du Paléolithique moyen, avec la fouille d’un site daté de 50.000 avant J.-C. qui a livré des armatures bifaciales, du matériel de broyage et des bâtons taillés en hématite, le troisième site de ce type connu actuellement sur le continent africain.

Constructions funéraires pré-dogon de Dourou-Boro, au Mali (5e – 7e siècle après J.-C.).

Fouilles du dépôt archéologique pré-dogon de Songona 2: technicien dogon et étudiante de l’Université de Bamako.

Fouilles de Songona 1: relevé des vestiges par les étudiants suisses et maliens.

Les résultats de la campagne 2006/07
La 10e campagne du programme de recherche « Peuplement humain et paléoenvironnement en Afrique de l’Ouest » s’est déroulée du 26.12.2006 au 09.03.2007 avec une vingtaine de chercheurs, dont 5 des universités de Genève et Fribourg, ainsi que 10 étudiant-e-s suisses, maliens, français et allemands.

Géologie : l’étude des formations dunaires complexes du pied de falaise révèle une histoire plus diversifiée que prévu, marquée de plusieurs variations climatiques importantes entre 60.000 et 25.000 ans.

Paléolithique-Néolithique : la fouille, au sommet de la dune de Songona, d’un site en place avec armatures bifaciales sur quartz, daté de 55.000 ans, constitue une première en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, la fouille d’un abri-sous-roche à Yawa-Vaches a livré deux niveaux archéologiques distincts, comprenant chacun des industries sur quartz à microlithes de type Paléolithique final ou Néolithique ancien (datations en cours). Dans l’optique d’une compréhension des phénomènes de peuplement à l’échelle de l’ensemble du Pays dogon, des prospections systématiques ont été menées autour du village de Yawa, permettant de cartographier de nombreux indices d’occupations néolithiques et protohistoriques sur le bord du plateau et dans les dunes.

Protohistoire : la fouille de structures nouvellement découvertes, du type de celles décrites anciennement comme «greniers Toloy récupérés en sépultures par les Tellem» semble plutôt indiquer une nécropole pré-dogon, caractérisée par des céramiques rituelles proches de celles de Dangandouloun, ainsi que des parures telles que bijoux de fer et perles d’importation du Proche-Orient. L’étude des restes de plusieurs espèces de mil mêlés à l’argile des parois apportera des informations économiques et chronologiques importantes. A Kokolo, la fouille de bases en pierre de maisons circulaires à pilier central documente les premières structures d’habitats connues pour la période pré-dogon. Dans le cadre des études sur la métallurgie du fer, la fouille de plusieurs bas fourneaux sur les sites de réduction de Ouin 4 et Saréma a permis de compléter la caractérisation des techniques de réduction du minerai de fer présentes sur le plateau de Bandiagara. Les recherches plus spécifiquement financées par la SLSA ont porté sur la fouille du site pré-dogon de Songona, riche en céramiques parfois complètes, outils agricoles en fer et matériel de broyage, reflétant ainsi la culture matérielle domestique utilisée par les premiers groupes qui ont peuplé la région à partir du delta intérieur du Niger au premier millénaire de notre ère, après un hiatus de plusieurs siècles. Par ailleurs, des enquêtes de tradition orale concernant l’histoire du peuplement dogon se sont poursuivies d’une part sur le bord du plateau à Yawa, et d’autre part dans le nord de la plaine du Séno.

Au fil des campagnes, la puzzle se complète et la compréhension du peuplement à l’échelle d’un territoire classé au patrimoine mondial UNESCO commence à prendre forme.

Tombes de Dourou-Boro.

Enquête à Yawa.

Fouille de Songona 2.

Four à Sarema.

Les résultats de la campagne 2005/06
La huitième campagne du programme de recherche «Peuplement humain et Paléoenvironnement en Afrique de l’Ouest» s’est déroulée du 10 janvier au 4 mars 2005. Elle comprenait 16 chercheurs (suisses, maliens, français et anglais) ainsi que 8 étudiants (suisses et maliens). Nous nous étions fixés sept objectifs principaux qui ont nécessité la conduite parallèle de six chantiers de fouille :

1. Confirmer la place chronologique et stratigraphique des industries à armatures bifaciales attribuées au Paléolithique moyen. Ces pièces ont pu être trouvées in situ dans le Ravin du Kondo, lors de la fouille d’un atelier de taille. Cette découverte a permis non seulement de confirmer la position chrono-stratigraphique de ces armatures, mais aussi de les associer à une technique de taille précise. Ce gisement a en outre livré la plus longue séquence de référence actuellement connue pour la fin de l’occupation pléistocène, soit après 30.000 BP.

2. Rechercher au pied de la Falaise une occupation humaine située à l’interface entre le Pléistocène et l’Holocène, et comprendre l’articulation entre les derniers occupants paléolithiques et les premières populations néolithiques utilisant la céramique dès 9.500 av. J-C. La fouille prévue à cet effet dans l’abri-sous-roche de Yawa n’a pu être effectuée: un pan de falaise de plus de 30.000 tonnes est en cours de basculement au-dessus de l’endroit prévu pour les travaux. En revanche, nous avons découvert et fouillé un abri situé au pied d’un rocher isolé dans la plaine du Séno, à Kobo, qui a livré en stratigraphie une industrie lithique appartenant probablement à la charnière Pléistocène – Holocène, soit entre 20.000 et 10.000 av. J-C. L’outillage en quartz exhumé présente en effet des caractéristiques typo-techniques propres aux industries connues pour cette époque dans les autres régions du continent.

3. Confirmer la présence d’un habitat du Néolithique récent sur le site de Kélissogou. La fouille de trois secteurs a permis de confirmer l’importance des occupations du Néolithique récent; bien qu’aucune base de maison n’ait été clairement observée, l’abondance du matériel céramique ainsi que la présence de matériel de broyage, de lames de haches polies et de structures de combustion renforcent l’hypothèse de la présence d’un habitat étendu sur la rive gauche du Yamé au deuxième millénaire avant J.-C.

4. Fouiller une série de sites archéologiques sur le Plateau et dans la plaine du Séno, en vue d’établir la séquence d’occupation protohistorique régionale. Grâce à des fouilles menées conjointement dans ces deux régions, nous avons maintenant un matériel céramique très diversifié qui laisse supposer une séquence culturelle régionale pré- et proto-dogon beaucoup plus complexe que prévue.

5. Prolonger les fouilles sur les fours métallurgiques de Fiko et reconstituer leurs superstructures en recherchant d’autres fours du même type. Les fouilles intensives menées à Fiko permettent maintenant de quantifier et de préciser l’organisation de la production du fer sur ce site qui peut être qualifié de «proto-industriel» Produktion. Parallèlement, les fouilles menées à Kéma ont permis de découvrir des fours identiques à ceux de Fiko, mais ici mieux conservés dans leur élévation, ce qui autorise maintenant une reconstitution complète de ces fourneaux fort originaux sur le continent africain.

6. Identifier les différentes techniques métallurgiques présentes sur le plateau dogon. Grace aux informations collectées lors de cette mission, nous pouvons aujour’hui présenter une première carte de localisation des sites métallurgiques sur l’ensemble du Pays dogon. Les observations sur le terrain permettent également d’identifier, au sein des différents clans de forgerons, certaines différences techniques et culturelles.

7. Dresser l’inventaire des langues de la famille linguistique dogon dans une problématique d’étude de l’histoire du peuplement. Cet inventaire, nouveau volet de notre programme mené par les linguistes de notre équipe, a débuté par l’étude systématique des parlers de la contre-escarpe occidentale du Pays dogon. Les résultats sont au-delà de toute espérance: plusieurs langues inconnues des chercheurs ont déjà pu être documentées et une d’entre elles n’appartient apparemment à aucune des grandes familles linguistiques africaines, laissant entrevoir un lien avec les peuplements anciens de cette partie du continent.

Nous pouvons donc considérer que les objectifs prévus pour cette mission 2005 ont pu être atteints. Ils ouvrent des perspectives nouvelles pour les prochaines campagnes, et confirment l’importance de l’interdisciplinarité et de la collaboration scientifique internationale pour la réussite de ce programme.

Fouilles sur le site néolithique de Kélissogou (2e mill. BC).

Fouilles sous l’abri de Kobo et découverte d’une industrie de
la transition Pléistocène – Holocène.

Fouilles sous l’abri de Kobo et découverte d’une industrie de la transition Pléistocène – Holocène.

Armature bifaciale de la fin du Paléolithique moyen au Ravin du Kondo.

Les résultats de la campagne 2003–2004 (24 novembre 2003 – 02 mars 2004)
La dernière mission nous a permis de définir une nouvelle partition des formations géologiques pour le Pléistocène et l’Holocène. De nouveaux échantillons ont été prélevés en vue de datations OSL (optically stimulated luminescence) et l’étude des paléoenvironnements végétaux de l’Holocène ancien et récent s’est poursuivie sur le terrain et en laboratoire.

La séquence paléolithique montre une alternance de faciès diversifiés avec ou sans usage de la technique Levallois couvrant une grande part du Pléistocène supérieur, essentiellement entre 60000 et 20000 ans. Par ailleurs, la connaissance des industries du début de l’Holocène a été précisée notamment par la découverte d’armatures bifaciales, et l’importante occupation humaine de la fin du Néolithique est confirmée par un nouveau site d’habitat, caractérisé par des grands vases à col.

Des prospections ont conduit à l’identification de nouveaux sites protohistoriques qui seront fouillés lors de la prochaine campagne. Lors des études sur la paléométallurgie, trois bas-fourneaux ont été découverts, dont un de type inconnu à ce jour en Afrique de l’Ouest. Les recherches ethnohistoriques sur le peuplement des forgerons ont été étendues à l’ensemble du Pays Dogon, et deux nouvelles zones ont été étudiées dans le cadre de l’ethnoarchéologie de la céramique. Enfin, un nouveau volet consacré au peuplement de la plaine du Seno a été initié lors d’une série d’enquêtes et de prospections. L’état d’avancement des études dans les diverses disciplines nous ouvre dès maintenant la porte d’une compréhension globale des phénomènes tant naturels qu’humains. Les travaux futurs devraient nous permettre d’aller plus loin dans le domaine des interactions entre l’homme et son environnement.

Des étudiants de Bamako aident aux fouilles du site néolithique de Kelisogou.

Les résultats de la campagne 2002-2003 (17 janvier– 07 mars 2003)
Les trois campagnes menées à Ounjougou entre 2000 et 2003 ont conduit à l’élaboration de synthèses des données géomorphologiques et archéologiques du Pléistocène et de l’Holocène. Dans un cadre interdisciplinaire bien établi comprenant les différents domaines de la géologie, de la paléobotanique et des techniques de datation, nous avons pu mettre en évidence une séquence typo-technique et culturelle de l’occupation paléolithique unique à ce jour en Afrique occidentale (>90.000 – 21.000 BC).

Nous avons aussi pu distinguer cinq phases au sein du Néolithique (9.200–1.200 BC), et mettre en évidence l’émergence de l’une des plus anciennes céramiques connues au monde. De nouvelles prospections ont, par ailleurs, permis de découvrir plusieurs sites majeurs qui seront fouillés à partir de 2004.

L’étude de la séquence protohistorique (7e–12e AD), mise en parallèle avec les variations climatiques, a permis de préciser les phénomènes complexes de peuplement précédant l’arrivée des Dogon. Le peuplement dogon commence lui aussi a être mieux compris, grâce aux études concernant l’histoire des migrations des clans d’agriculteurs, ainsi que de forgerons. Des études paléométallurgiques ont également débuté en 2003 sur plusieurs sites de réduction du fer du Plateau. Enfin, les études ethnoarchéologiques de la céramique ont été étendues à l’ensemble du Plateau et de la plaine du Séno.

L’histoire des recherches
Le Pays dogon au Mali a été inscrit en 1989 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en tant que site classé naturel et culturel. L’attrait touristique et scientifique pour cette région fait suite aux célèbres recherches ethnographiques françaises de l’équipe de M. Griaule, menées dès 1931 dans les villages de la Falaise de Bandiagara. Portant sur la cosmogonie des Dogon, ces travaux, bien qu’actuellement critiqués sur plusieurs points, ont eu une grande influence sur le regard porté par les Occidentaux sur les populations africaines. Puis, dans les années 1960–70, une équipe hollandaise a fait les premiers pas en direction du passé avec la découverte, dans les grottes de cette Falaise, de vestiges matériels très bien conservés, témoignant d’une occupation dite toloy au 2e–3e s. BC, puis d’une occupation tellem dès le 11e s. AD, relayée au cours des siècles suivants par les ancêtres des Dogon.

La découverte fortuite en 1988, près de Bandiagara, par le géologue Marcel Burri, d’objets taillés manifestement néolithiques était donc surprenante et a motivé les premières prospections menées en 1994 par Eric Huysecom (Université de Genève). Celles-ci ont mis en évidence des vestiges archéologiques stratifiés du Néolithique et du Paléolithique ainsi que des restes végétaux bien conservés, susceptibles de réviser notre vision de l’histoire du peuplement non seulement du Pays dogon, mais aussi de toute l’Afrique de l’Ouest.

Un projet international et interdisciplinaire

Le potentiel de ce gisement justifiait le démarrage, en 1997, d’un projet interdisciplinaire et international intitulé «Paléoenvironnement et peuplement humain en Afrique de l’Ouest». Son objectif est de reconstituer l’histoire du peuplement sur le Plateau de Bandiagara, de la corréler aux variations paléoclimatiques sahéliennes et de comprendre les interactions entre l’homme et son environnement au cours du Pléistocène et de l’Holocène, jusqu’à la période actuelle.

Le projet de recherches rassemble aujourd’hui des scientifiques de 11 institutions européennes et africaines, sous la coordination d’Eric Huysecom :

Département d’anthropologie, Université de Genève;
Département de Géosciences, Université de Fribourg;
Laboratoire Geophen, UMR LETG 6554-CNRS, UFR de géographie, Université de Caen;
Département de géographie, Université de Rouen;
Laboratoire Paysages et biodiversité, Université d’Angers;
Institut de Recherche sur les Archéomatériaux UMR-CNRS 5060 de l’Université de Bordeaux 3;
Laboratoire d’ethnologie & de Préhistoire, Université de Paris-X Nanterre;
Seminar für Vor- und Frühgeschichte, Archäologie und Archäobotanik Afrikas, Johann-Wolfgang-Goethe-Universität, Frankfurt am Main;
Institut für Völkerkunde, Universität Köln, pour l’ethnologie;
Département d’histoire-archéologie, Université de Bamako (Mali)
Institut des sciences humaines de Bamako (Mali)
Mission culturelle de Bandiagara (Mali)

Prospection géologique à Oumounaama en février 2004.

Le Yamé est la seule rivière aux points d’eau permanents sur le Plateau de Bandiagara. Le long de ses rives se trouvent les gisements d’Ounjougou.

Fouilles des niveaux du Néolithique ancien (Ravin de la Mouche en décembre 2003).